Plan General

I. La Mission

A. L'intérêt des Etats-Unis aux Balkans

Le Président Bush et la Géopolitique. Lorsque les Serbes expulsèrent les Croates de Krajina en 1990, et les Musulmans de Bosnie en 1991, le Secrétaire d'Etat du Président Bush, James Baker, déclarait: "Nous n'avons rien à voir dans cette bagarre" Le successeur de Baker, Lawrence Eagleburger, concordait: "On ne peut mettre fin à cette tragédie de l'extérieur, et il est grand temps que chacun le comprenne. Jusqu'à ce que les Bosniens, les Serbes et les Croates décident de ne plus s'entre-tuer. il n'est rien que le monde extérieur puisse faire".2 On considérait cette affaire comme un malheur européen, un incendie qui s'éteindrait de lui-même. Les intérêts des Etats-Unis gravitaient vers les grandes puissances--la Russie, la Chine.

Les Etats-Unis se joignirent tout de même à la France, l'Allemagne, la Grande Bretagne et la Russie pour former un "groupe de contact", et ils donnèrent leur soutien à un embargo des armes, ainsi qu'à des sanctions économiques, votés par le Conseil de Sécurité de l'ONU. En réponse à l'indignation publique, les Etats-Unis habilitèrent un tribunal Ad Hoc de l'ONU, à la Haye, à poursuivre des habitants de l'ancienne Yougoslavie pour crimes de guerre. Aucun de ces efforts ne fit diminuer le carnage. Pendant la campagne électorale pour la Présidence, en 1992, Clinton reprochait à Bush, le "Président de la politique étrangère", d'ignorer le nettoyage ethnique.

C'est seulement lorsque Misolevic ordonna le massacre et l'expulsion des Musulmans du Kossovo que Bush fit la menace d'une action américaine unilatérale. Si les Musulmans fuyaient vers l'Albanie, la Macédoine et la Bulgarie, ces réfugiés susciteraient des rivalités ethniques dans ces pays peu stables, et exacerberaient les différences déjà existantes entre la Grèce et la Turquie, toutes deux membres de l'OTAN.

Tout à la fin de la Présidence de Bush...Eagleburger envoya un câble secret codé à Belgrade, avec instructions que l'Ambassadeur des Etats-Unis en fonctions le lise mot pour mot à Milosevic lui-même, et sans aucun commentaire. Le texte complet du 24 décembre 1992,...disait: "En cas de conflit au Kossovo provoqué par une attaque serbe, les Etats-Unis sont prêts à employer la force militaire contre les Serbes, au Kossovo et en Serbie même".3

Clinton et les Droits de l'Homme. En février, puis en juillet 1993, le premier Secrétaire d'Etat du Président Clinton, Warren Christopher, répétait cet avertissement de Noël. De plus grande importance encore, Clinton introduisait des objectifs humanitaires dans la politique des Etats-Unis; il étendit la "ligne rouge" du Kossovo à la Bosnie et y déploya des troupes dans le cadre d'une force de gardiens de la paix multilatérale de l'OTAN. Srebrenica, en 1995, s'avéra le tournant décisif. Albright, l'Ambassadrice à l'ONU, poussait pour que les gardiens de la paix internationaux assurent un refuge sans danger aux Musulmans de Bosnie. Les forces serbes exécutèrent systématiquement 7,000 musulmans auxquels l'ONU avait promis protection à Srebrenica. De 1991 à 1995, ces forces poursuivirent le programme de nettoyage ethnique ci-dessous:

1. Concentration: cerner la zone à nettoyer, après avertissement aux résident serbes. On conseille souvent à ces derniers de partir ou du moins de marquer leurs habitations par des drapeaux blancs. Intimider la population cible par du feu d'artillerie et des exécutions arbitraires, pour la faire sortir dans la rue.

2. Décapitation: Exécuter les chefs politiques et ceux qui pourraient les remplacer: avocats, juges, fonctionnaires, écrivains, professeurs.

3. Séparation: Séparer femmes, enfants et vieillards des hommes en "âge de combat" (de 16 à 60 ans).

4. Evacuation. Transporter ce groupe vers la frontière et les expulser vers un territoire ou un pays avoisinant.

5. Liquidation: Exécuter les hommes en âge de combat et faire disparaître leurs cadavres4

Au début de 1994 on estimait à 250,000 les tués, et à deux millions de sans-abris dont un grand nombre cherchaient refuge ailleurs en Europe.

L'ONU imposa aux combattants l'embargo économique et celui des armements. Clinton approuva les attaques aériennes de l'OTAN mais il usa de son veto contre la législation qui autorisait l'aide militaire aux Musulmans de Bosnie. Le Tribunal des crimes de guerre assura la détention des soldats accusés d'atrocités. Avec l'aide d'armes américaines les Croates reprirent Krajina et en expulsèrent 150,000 serbes. Les forces Bosniennes, nouvellement armées, commencèrent à regagner le territoire "nettoyé" par les Serbes. Les attaques aériennes de l'OTAN se faisant plus fréquentes, Milosevic accepta les Accords de Dayton et les troupes gardiennes de la paix. Mais pour arriver à des résultats rapides à Dayton, en 1995, l'Ambassadeur Richard Holbrook ne mit jamais le Kossovo sur la table. Les Etats-Unis envoyèrent 20,000 des 60,000 gardiens de la paix qui, en fait partagèrent la Bosnie, y créant un protectorat approuvé par l'ONU. Dès 1997 Clinton éliminait toutes dates limites du déploiement des troupes américaines, et il se rendait en Bosnie, en visite officielle.

B. Des civilisations s'entrechoquent au Kossovo

Origines du conflit. Après sa lecture du livre Balkan Ghosts (Fantômes des Balkans) "le tableau des haines ancestrales insolubles hantèrent le Président à tel point qu'il bannit le problème des Guerres de la Succession de Yougoslavie comme "un problème infernal" qui ne méritait pas d'intervention américaine."5 Trois empires, trois grands groupe linguistiques se heurtaient dans les Balkans. Les empires Romain, Byzantin et Ottoman y apportèrent le Catholicisme, l'Orthodoxie grecque et l'Islam, en Croatie, en Serbie et en Bosnie, respectivement. Les Croates catholiques et les Serbes Orthodoxes nourrissaient chacun des ambitions impériales.

Les Albanais représentaient près de quatre-vingt dix pour cent des deux millions de Kossovars. La plupart d'entre eux étaient Musulmans et leur langue illyrienne n'appartenait pas au groupe linguistique slave. Serbes et Albanais résistèrent aux Nazis et aux Fascistes croates pendant le seconde guerre mondiale. Le Kossovo jouissait d'une autonomie appréciable accordée par le Président Tito de Yougoslavie. Avec le démembrement de la Yougoslavie en 1989, Milosevic révoqua le contrôle local des tribunaux et de la police, et il limita l'emploi de la langue albanaise. Holbrook concluait:

Au Kossovo, l'animosité et la haine ethnique sont réelles, à la différence de la Bosnie où de mauvais sujets démagogues et des membres pourris de la Maffia les fabriquèrent. En Bosnie, on comptait beaucoup de mariages mixtes, la langue est une langue commune, et il existe une histoire commune. Les Albanais et les Serbes, par contre, sont des peuples différents. On trouve beaucoup moins de mariages mixtes parmi eux, et la haine qu'ils se portent y est beaucoup plus profonde.6

En réponse à un nationalisme serbe réveillé pendant les années '90, les Albanais séparatistes de l'Armée Kossovare de Libération (KLA) terrorisèrent leurs oppresseurs. Après Dayton, où on les oublia, leur nombre augmenta, et leurs tactiques devinrent plus brutales. Comme résultat, au début de 1998 Clinton faisait face à de nouvelles atrocités contre les Albanais au Kossovo, et à une armée de Libération que les Etats-Unis avait condamnée pour des actes de terrorisme.

Au vu du rapport de la Human Rights Watch (Surveillance des Droits de l'Homme) documentant le massacre de centaines de personnes par les serbes en 1998, un envoyé spécial se rendit en Yougoslavie. Et lorsqu'un dirigeant musulman modéré visita la Maison-Blanche, la même année, le Président Clinton le rassura: "Nous ne permettrons pas une nouvelle Bosnie au Kossovo."7

Accord de cesser le feu en 1998. Les six membres du Groupe de contact sur les Balkans se mirent à développer un plan pour parer à toute éventualité militaire au Kossovo. Le KLA, en fait, contrôlait les quarante pour cent du territoire lorsque Milosevic lança une grande offensive d'été. A l'approche de l'hiver, on estimait à 300,000 le nombre des Kossovars chassés de leurs demeures. Le représentant des Etats-Unis à l'ONU, Alexandre Vershbow, recommandait un protectorat approuvé par cet organisme, et des troupes allant jusqu'à 30,000 soldats, en coopération avec la Russie, pour assurer la sécurité au Kossovo.

Lors de la rencontre des ministres de la défense des membres de l'OTAN, en septembre, le Secrétaire à la Défense, Cohen, encouragea l'alliance à jouer un rôle plus actif. La France, l'Allemagne et l'Italie étaient en faveur d'un déploiement des forces de l'OTAN comme gardiens de la paix. Clinton refusa d'engager du personnel américain, même dans le cadre d'une "force d'extraction" que les Européens déployèrent dans la Macédoine voisine. Les Républicains pourraient exploiter toute déploiement de troupes en dehors de la Bosnie pour gagner des voies aux élections de l'automne.8 Après une visite aux Balkans, l'ancien rival de Clinton pendant la campagne présidentielle précédente, Robert Dole, rendit visite au Président et donna son accord à des menaces crédibles, du type bombardements, qui avaient amené des concessions à Dayton.9 L'OTAN approuva un ordre de campagne aérienne que Clinton expliqua par lettre aux sénateurs les plus importants. "Les sorties augmenteront progressivement en importance et en territoire couvert...Ce ne seront pas des égratignures."10

Clinton envoya Holbrook à Belgrade, armé de l'engagement, pris par l'OTAN, de commencer à bombarder si Milosevic ne retirait pas ses troupes du Kossovo. Après neuf jours de négociations, un accord de cesser le feu permit aux Albanais musulmans cachés dans les collines de rentrer chez eux avant l'hiver. La Yougoslavie accéda aux survols du pays par l'OTAN et permit à 2,000 observateurs non-armés de surveiller le retrait des unités de l'armée serbe hors du Kossovo. Clinton prévint publiquement que par le passé Milosevic avait brisé maintes promesses. Ce dernier avait demandé à l'OTAN de rescinder son ordre de bombarder, et il protesta bien fort lorsque l'alliance ne fit que le suspendre. "Il considérait cet ordre comme une déclaration de guerre."11

Le massacre de Racak. Tant les militaires Yougoslaves que la KLA se préparaient à une nouvelle offensive. Les unités de la KLA acquirent de nouvelles armes et réoccupèrent le territoire au fur et à mesure que les Serbes se retiraient. Les Services de Renseignements américains indiquaient que des forces yougoslaves massées à la frontière du Kossovo préparaient une opération militaire au nom de code Potokva (fer-à-cheval). Les observateurs internationaux non-armés, sous la conduite de William Walker, ne pouvaient qu'observer. Après l'exécution de trois officiers de police serbes par des agents de la KLA, le 15 janvier, des Serbes en capuche noire terrorisèrent Racak, usant de tactiques d'intimidation développées en Bosnie et en Croatie.

Au cours de cette opération, selon les services de renseignements des Etats-unis, un Premier Ministre Député serbe ordonnait au commandant de la police au Kossovo d'y "aller de main forte". A leur arrivée à Racak, le lendemain, les membres de la Mission de Vérification au Kossovo allaient trouver:

1 adulte mâle frappé d'une balle dans l'aine. Il semblait avoir été atteint alors qu'il s'enfuyait...

3 adultes mâle touchés en différentes parties du corps, y compris le dos...

1 adulte mâle tué devant sa maison. On retrouva le dessus de sa tête se retrouva à quelque cinq mètres du lieu de sa mort. Sa blessure semblait provenir d'un coup de hache...

5 adultes mâle fusillés dans la tête....

1 adulte mâle tué hors de sa maison et dont la tête manquait...

1 adulte mâle atteint à la tête, puis décapité, son crâne complètement dénudé

1 adulte femelle fusillée dans le dos...22

Et ainsi de suite. Les Serbes y "étaient allés de main forte". Au total, 45 morts.12

C. Milosevic: ses intentions et ses capacités

Milosevic avait fait du Kossovo une Terre Sainte serbe. Il utilisa la victoire turque de 1389 comme symbole pour exacerber le nationalisme serbe. En juin 1989, lors du 600ème anniversaire de cette défaite serbe, Milosevic prononça un discours sur le champ de bataille historique de Kosove Polje, le Champ des Oiseaux noirs. Une malédiction gravée sur le monument commémorant cette ancienne bataille inspira sa rhétorique: "Si un Serbe, né de Serbes n'a pas le courage de pas donner son sang pour le Kossovo" disait-elle, "alors, que rien pousse sur sa terre, qu'il reste sans fils et sans fille, sans vin blanc et sans pain, et que ses descendants soient maudits à jamais."13

 

Pendant son enfance à Belgrade, Albright avait appris le serbo-croate. "En ses propres mots, la Secrétaire née en Tchécoslovaquie, souffrait d'une sorte de complexe de Munich, une conviction qu'apaiser les dictateurs ne fait qu'encourager leurs plus mauvais instincts."14 Pendant trois ans de non-intervention, après 1990, les Serbes attaquèrent d'abord la Slovénie, et continuèrent avec des agressions et des meurtres en masse en Croatie, puis en Bosnie. A moins d'une réponse de Clinton, Milosevic allait conclure qu'en dépit des menaces "un village par jour seulement, et l'OTAN resterait loin de nous."15 Les leaders de l'OTAN désiraient restaurer leur crédibilité avant les célébrations devant marquer le cinquantenaire de l'Alliance, prévues pour avril à Washington.

Les conseillers du Président pensaient que des sorties aériennes, qui avaient persuadé Milosevic d'accepter les gardiens de la paix en Bosnie, réussiraient tout aussi bien au Kossovo. Même après que Milosevic l'ait traité de criminel de guerre pour ses menaces de bombardements, le Général Clark croyait au succès possible d'une campagne aérienne. Holbrook notait que Milosevic gardait ses promesses de Dayton et que les Serbes arrêtèrent de se battre en Bosnie. Mais si Milosevic réagissait en lançant une grosse offensive pour expulser les Musulmans du Kossovo ? Les services de renseignements et les militaires avançaient des pronostiques bien différents--certains prédisaient des concessions alors que d'autres annonçaient un désastre du point de vue humanitaire. Des bombardements mobiliseraient-ils le public serbe en faveur de Milosevic, renforçant ainsi sa position face aux groupes d'opposition modérés? Des troupes de combat seraient-elles nécessaires, soit pour expulser les forces serbes, soit pour déposer Milosevic?

Au Sénat, les leaders Républicains et Démocrates conseillaient vivement à Clinton de déposer Milosevic: "Une telle transition dans un futur proche non seulement est essentielle pour le peuple serbe, mais c'est une condition préalable à une paix durable aux Balkans... Jusqu'à ce que Milosevic abandonne le pouvoir il sera capable, et désireux, de rallumer la guerre de Bosnie (avec des conséquences sérieuses pour le personnel des Etats-unis qui s'y trouve) et capable de déchaîner une nouvelle répression au Kossovo, ou d'y susciter une nouvelle crise, selon ses besoins."16

La poursuite de Milosevic par la Cour Internationale des Crimes pour la Yougoslavie (ICTY) exigerait le déploiement d'une force d'invasion. Une campagne aérienne risquait de le tuer. Les deux présidents, Reagan et Bush ordonnèrent des bombardements en Libye et en Irak dans lesquels Mohamar Quadaffi et Saddam Hussein auraient pu mourir. Une loi de l'époque du Vietnam interdisait au Président d'ordonner l'assassinat d'un ennemi particulier, mais l'opinion publique actuelle ne ferait pas obstacle à une "coercition immaculée, une guerre hautement technique, avec peu de risques, menée par des pilotes américains qui reviennent vivants de leurs missions.

Mettez votre compréhension à l'épreuve: Avant de continuer votre lecture, répondez aux questions sur cette partie du cours, puis comparez vos réponses aux réponses correctes, pour jauger votre compréhension.

 

Un appel au bombardement

II. L'Equilibre des Pouvoirs entre les branches du gouvernement aux Etats-Unis

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