II. Equilibre des pouvoirs entre les branches du gouvernement aux Etats-Unis
A. Pouvoirs de guerre constitutionnels.
La Constitution donne au Congrès le pouvoir de déclarer la guerre, Article I, and désigne le Président comme Commandant en Chef, Article II. Les Présidents ont gagné de façon répétée les disputes sur les pouvoirs de guerre déclenchées par cette division. L'opposition du Congrès à une guerre non-déclarée au Vietnam produisit la Résolution sur les pouvoirs de guerre de 1973, adoptée malgré le veto du Président Nixon.17
Cette Résolution exige la présentation d'un rapport au Congrès dans les quarante-huit heures qui suivent le déploiement de forces américaines. Le Congrès peut alors voter une fin immédiate à tout engagement de troupes et le Président ne peut maintenir le déploiement de ces dernières au-delà de soixante jours. Ni les Présidents ni le Congrès, toutefois, n'ont respecté cette Résolution.
Le Président Reagan envoya des marines comme gardiens de la paix au Liban, et des forces de combat à Grenade, pendant qu'il contestait l'autorité du Congrès à limiter sa latitude d'action. Le Président Bush envoya des troupes de combat au Panama, en Somalie et en Iraq. Il est vrai que le Congrès discuta de l'Opération Desert Storm (Orage du désert) contre Saddam Hussein, puis vota de l'approuver, mais le Président Bush continua à insister que la Résolution des législateurs n'avait valeur qu'à titre de conseil.18 En réponse à un procès contestant cette guerre non-déclarée, les avocats du gouvernement arguèrent que le Président seul pouvait déterminer quand une action militaire des E.U. constituait vraiment une "guerre".19
De façon similaire, le Président Clinton se préparait à envahir Haïti tout en réitérant qu'une Mission pour le maintien de la paix n'était pas une guerre exigeant l'autorisation du Congrès. "J'opposerais vigoureusement de telles tentatives d'empiéter sur les pouvoirs du Président en politique étrangère."20 "Comme mes prédécesseurs des deux partis", dit-il, "je n'ai jamais accepté que la Constitution m'obligeait à obtenir une autorisation."21 Dans le cadre d'une décision appropriant des fonds au Département de la Défense, le Congrès autorisa le financement de l'opération en Haïti, sous réserve que le Président présente un rapport des observations faites sur la situation dans ce pays. Plutôt que d'autoriser expressément une intervention militaire, le Congrès avait déclaré que des fonds pour une invasion n'étaient pas "exclus."22
Immédiatement après être entré en fonctions, Clinton avait promis 20,000 soldats comme gardiens de la paix dans le cadre d'une force multilatérale pour la Bosnie. Les leaders Républicains du Congrès perdirent un vote devant abroger la Résolution des Pouvoirs de Guerre, parce que certains "déserteurs" du parti désiraient maintenir cette loi de 1973 comme frein pour empêcher Clinton de tenir cette promesse.23
Sans opposition du Congrès, Clinton mena une guerre aérienne limitée de l'OTAN contre les Serbes en Bosnie--l'Opération "Deliberate Force ou Dead Eye" (Force délibérée avec cibles précises). Avant la conclusion des Accords de Dayton, la Chambre de Représentants vota deux fois contre le déploiement de troupes américaines en Bosnie. Le Sénateur Républicain John Ashcroft s'opposa sans succès aux modifications apportées au Traité de l'OTAN par le Président sans ratification du Sénat. L'Article 5 du Traité de Washington de 1949 limitait le rôle de l'OTAN à la défense collective du territoire de ses membres. Sans l'autorisation préalable du Sénat exigée par la Constitution, Clinton confia à l'alliance une nouvelle Mission post-Guerre Froide. "L'OTAN a étendu et continuera à étendre ses fonctions politiques, et a accepté de nouvelles missions de gardienne de la paix, et de dissipation des crises, aidant ainsi les Nations Unies et l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE)..."24
Après l'annonce des Accords de Dayton par Clinton, le Congrès vota des fonds pour les 10,000 gardiens de la paix dans l'opération appelée "Joint Endeavor" (Entreprise en commun); mais dans mesures mêmes votées par la Chambre des Représentants cette entité gouvernementale exprimait aussi sa désapprobation de la politique de l'administration.25 "Certains membres du Congrès tentaient de jouer les deux cartes: éviter toute responsabilité si le choses tournaient mal en Bosnie, mais en revendiquer les avantages si elles tournaient bien...ils affirmaient que cette Mission ne valait pas la peine d'être poursuivie puis, sans plus, ils acceptaient d'envoyer des soldats américains se battre pour elle."26
En politique étrangère comme en politique nationale, les législateurs essayaient de "revendiquer le succès tout en "évitant le blâme."27 Ni le Congrès ni les tribunaux n'allaient sans doute faire respecter la Résolution des Pouvoirs de Guerre et rescinder l'ordre du Président en faveur de bombardements en Yougoslavie. D'après John Hart Ely: "un arrangement tacite existe entre les branches exécutive et législative...le Président assume la responsabilité (la plus grande partie, du moins) tant qu'il peut prendre des décisions, et le Congrès renonce à son pouvoir en fait de définition de la politique tant qu'on ne lui demande pas de rendre des comptes (il peut alors blâmer le Président lorsque les choses vont mal) ."28
B. Réalités politiques
Alors que le nombre des morts montait au cours de 1998, la presse américaine accordait beaucoup plus d'attention aux déclarations faites au jury de mise en accusation de Clinton, sur les rapports de ce dernier avec Paula Jones et Monica Lewinsky. En plus de l'investigation de mise en accusation par un Conseiller Indépendant (Independent Counsel) et de ses adversaires du GOP (Républicains) au Congrès, Clinton faisait aussi face à l'effondrement économique de la Russie et aux problèmes difficiles rencontrés face lors de ses voyages en Chine et en Afrique. Pendant son court passage au Rouanda, Clinton présenta des excuses publiques pour le manque d'action des Etats-Unis en réponse à l'alerte reçue sur les plans de génocide préparés par les Houtous, qui massacrèrent 500,000 Toutsis.
Peu à peu et en dépit des obstacles politiques, le Président avait augmenté les obligations des Etats-Unis en Bosnie--des bombardements limités tout d'abord, suivis d'un premier déploiement de troupes prévu pour une année, puis renouvelé indéfiniment. Profitant des leçons du Vietnam, du Liban et de la Somalie, ses conseillers recommandaient le même modèle pour le Kossovo. Dans leurs calculs, le public des E.U. soutiendrait une intervention humanitaire tant que ses jeunes hommes ne rentraient pas chez eux dans un sac mortuaire.
La Doctrine de Powell, née de la Guerre du Golfe, offrait un modèle différent--l'intervention avec des forces irrésistibles, lorsque les intérêts vitaux des E.U. paraissent triompher. Les conseillers de Clinton n'avaient prévu aucune stratégie de désengagement bien définie. Les critiques de la politique étrangère et des effectifs militaires protestaient le maintien indéfini de protectorats balkaniques par les Etats-Unis. Persuader le public d'accepter une autre aventure humanitaire pourrait s'avérer difficile.
Certains Républicains internationalistes, tels que Robert Dole, et même l'isolationniste Jesse Helms préconisaient publiquement une réponse ferme à Milosevic. Le Président républicain du Sous-comité du Sénat pour les Appropriations destinées à la Politique Etrangère demandait que les Etats-Unis reconnaissent l'indépendance du Kossovo et aident à assurer sa sécurité."29 D'autres Hawks (férus de force) en politique étrangère pensaient, bien qu'à contre-coeur, que les Etats-Unis et l'OTAN perdraient de leur crédibilité si Clinton ne mettait pas ses menaces passées à exécution.
Par un vote divisé suivant les partis, la Chambre des Représentants approuvait, en décembre, les articles de mise en accusation du Président pour parjure. Un Démocrate en fin de mandat, au milieu d'un procès pour sa déposition dans un Sénat contrôlé par les Républicains serait facilement tenté de "faire du bluff". Les sceptiques considéraient l'intervention militaire de Clinton à Haïti, en 1994, comme une diversion délibérée à fins politiques. "Dans un mémorandum confidentiel adressé au Secrétaire Général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali, un représentant spécial de l'ONU à Haïti indiquait que les aides de Clinton voyaient un avantage politique dans une invasion qui démontrerait "la capacité du Président de prendre des décisions, et sa qualité de chef en politique internationale."30
Des sondages d'opinion publique en janvier 1999 révélaient un certain souci quant au caractère du Président, mais aussi l'approbation de sa conduite officielle, et un manque de confiance considérable envers le Congrès républicain. Un commentateur décrivait le discours de Clinton à la nation de 1995, qui justifiait l'envoi de gardiens de la paix en Bosnie en 1994, comme "l'un des discours les plus éloquents de sa présidence."31 En dépit de sa situation politique difficile, un Commandant en Chef plein de ressort pourrait peut-être avoir encore la capacité de mettre sur pied une campagne aérienne de l'OTAN sous conduite américaine, suivie d'une Mission de garde de la paix.
Mettez votre compréhension et vos capacités d'analyse à l'épreuve: Avant de continuer votre lecture, répondez aux questions à étudier sur cette partie du cours, puis comparez vos réponses avec les réponses correctes pour juger de votre compréhension et exercer votre jugement critique.